• Sur mes cahiers d’écolier
    Sur mon pupitre et les arbres
    Sur le sable de neige
    J’écris ton nom

    Sur toutes les pages lues
    Sur toutes les pages blanches
    Pierre sang papier ou cendre
    J’écris ton nom

    Sur les images dorées
    Sur les armes des guerriers
    Sur la couronne des rois
    J’écris ton nom

    Sur la jungle et le désert
    Sur les nids sur les genêts
    Sur l’écho de mon enfance
    J’écris ton nom

    Sur les merveilles des nuits
    Sur le pain blanc des journées
    Sur les saisons fiancées
    J’écris ton nom

    Sur tous mes chiffons d’azur
    Sur l’étang soleil moisi
    Sur le lac lune vivante
    J’écris ton nom

    Sur les champs sur l’horizon
    Sur les ailes des oiseaux
    Et sur le moulin des ombres
    J’écris ton nom

    Sur chaque bouffées d’aurore
    Sur la mer sur les bateaux
    Sur la montagne démente
    J’écris ton nom

    Sur la mousse des nuages
    Sur les sueurs de l’orage
    Sur la pluie épaisse et fade
    J’écris ton nom

    Sur les formes scintillantes
    Sur les cloches des couleurs
    Sur la vérité physique
    J’écris ton nom

    Sur les sentiers éveillés
    Sur les routes déployées
    Sur les places qui débordent
    J’écris ton nom

    Sur la lampe qui s’allume
    Sur la lampe qui s’éteint
    Sur mes raisons réunies
    J’écris ton nom

    Sur le fruit coupé en deux
    Du miroir et de ma chambre
    Sur mon lit coquille vide
    J’écris ton nom

    Sur mon chien gourmand et tendre
    Sur ses oreilles dressées
    Sur sa patte maladroite
    J’écris ton nom

    Sur le tremplin de ma porte
    Sur les objets familiers
    Sur le flot du feu béni
    J’écris ton nom

    Sur toute chair accordée
    Sur le front de mes amis
    Sur chaque main qui se tend
    J’écris ton nom

    Sur la vitre des surprises
    Sur les lèvres attendries
    Bien au-dessus du silence
    J’écris ton nom

    Sur mes refuges détruits
    Sur mes phares écroulés
    Sur les murs de mon ennui
    J’écris ton nom

    Sur l’absence sans désir
    Sur la solitude nue
    Sur les marches de la mort
    J’écris ton nom

    Sur la santé revenue
    Sur le risque disparu
    Sur l’espoir sans souvenir
    J’écris ton nom

    Et par le pouvoir d’un mot
    Je recommence ma vie
    Je suis né pour te connaître
    Pour te nommer

     

    Paul Eluard,

    Poésies et vérités

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  • 14-18
    C’était la grande guerre
    Ils ont vécu l’enfer
    C’était la grande guerre
    La folie meurtrière

    Par un beau jour d’été
    Sous un ciel bleu d’azur
    Le clairon a sonné
    Pour la grande aventure
    Ils partirent faire la guerre
    Au nom de la patrie
    Ils étaient jeunes et fiers
    Et la fleur au fusil

    Mais du chemin des dames
    Au fort de Douaumont
    Ils ont perdu leur âme
    Sous le feu des canons
    Avec la peur au ventre
    Ils chantaient la Madelon
    En plein mois de décembre
    Quand ils montaient au front

    Ils tombaient un à un
    Fauchés par la mitraille
    De la Marne à Verdun
    Au coeur de la bataille
    Partout des trous de bombes
    Partout des trous d'obus
    Comme la fin d'un monde
    Qui leur tombait dessus

    Ils ont pleuré de joie
    Le jour de l’armistice
    Quand enfin arriva
    La fin de leur supplice
    Après un grand silence
    Les cloches de la paix
    Dans le ciel de France
    Se mirent à sonner

    14-18
    C’était la grande guerre
    C’était la der des ders
    Mais cette grande guerre
    Ne fut pas la dernière

     

     

    Jacques Hubert FROUGIER

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  • Sois le bienvenu, rouge Automne,
    Accours dans ton riche appareil,
    Embrase le coteau vermeil
    Que la vigne pare et festonne.

    Père, tu rempliras la tonne
    Qui nous verse le doux sommeil ;
    Sois le bienvenu, rouge Automne,
    Accours dans ton riche appareil.

    Déjà la Nymphe qui s’étonne,
    Blanche de la nuque à l’orteil,
    Rit aux chants ivres de soleil
    Que le gai vendangeur entonne.
    Sois le bienvenu, rouge Automne.

     

     

    Théodore de Banville

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  •  

     

     

     

     

     

    Monsieur le Président je vous fais une lettre
    Que vous lirez peut-être
    Si vous avez le temps
    Je viens de recevoir
    Mes papiers militaires
    Pour partir à la guerre
    Avant mercredi soir
    Monsieur le Président
    je ne veux pas la faire
    je ne suis pas sur terre
    Pour tuer des pauvres gens
    C’est pas pour vous fâcher
    Il faut que je vous dise
    Ma décision est prise
    je m’en vais déserter

    Depuis que je suis né
    J’ai vu mourir mon père
    J’ai vu partir mes frères
    Et pleurer mes enfants
    Ma mère a tant souffert
    Qu’elle est dedans sa tombe
    Et se moque des bombes
    Et se moque des vers
    Quand j’étais prisonnier
    On m’a volé ma femme
    On m’a volé mon âme
    Et tout mon cher passé
    Demain de bon matin
    Je fermerai ma porte
    Au nez des années mortes
    J’irai sur les chemins

    Je mendierai ma vie
    Sur les routes de France
    De Bretagne en Provence
    Et je dirai aux gens
    Refusez d’obéir
    Refusez de la faire
    N’allez pas à la guerre
    Refusez de partir
    S’il faut donner son sang
    Allez donner le vôtre
    Vous êtes bon apôtre
    Monsieur le Président
    Si vous me poursuivez
    Prévenez vos gendarmes
    Que je n’aurai pas d’armes
    Et qu’ils pourront tirer.

    Boris Vian (1920 - 1959)

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