• Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

    Ainsi qu'un dur baron précédé de sergents,
    Il fait, pour l'annoncer, courir le long des rues
    La gelée aux doigts blancs et les bises bourrues.
    On entend haleter le souffle des gamins
    Qui se sauvent, collant leurs lèvres à leurs mains,
    Et tapent fortement du pied la terre sèche.
    Le chien, sans rien flairer, file ainsi qu'une flèche.
    Les messieurs en chapeau, raides et boutonnés,
    Font le dos rond, et dans leur col plongent leur nez.
    Les femmes, comme des coureurs dans la carrière,
    Ont la gorge en avant, les coudes en arrière,
    Les reins cambrés. Leur pas, d'un mouvement coquin,
    Fait onduler sur leur croupe leur troussequin.

    Oh ! comme c'est joli, la première gelée !
    La vitre, par le froid du dehors flagellée,
    Étincelle, au dedans, de cristaux délicats,
    Et papillotte sous la nacre des micas
    Dont le dessin fleurit en volutes d'acanthe.
    Les arbres sont vêtus d'une faille craquante.
    Le ciel a la pâleur fine des vieux argents.

    Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

    Voici venir l'Hiver dans son manteau de glace.
    Place au Roi qui s'avance en grondant, place, place !
    Et la bise, à grands coups de fouet sur les mollets,
    Fait courir le gamin. Le vent dans les collets
    Des messieurs boutonnés fourre des cents d'épingles.
    Les chiens au bout du dos semblent traîner des tringles.
    Et les femmes, sentant des petits doigts fripons
    Grimper sournoisement sous leurs derniers jupons,
    Se cognent les genoux pour mieux serrer les cuisses.
    Les maisons dans le ciel fument comme des Suisses.
    Près des chenets joyeux les messieurs en chapeau
    Vont s'asseoir ; la chaleur leur détendra la peau.
    Les femmes, relevant leurs jupes à mi-jambe,
    Pour garantir leur teint de la bûche qui flambe
    Étendront leurs deux mains longues aux doigts rosés,
    Qu'un tendre amant fera mollir sous les baisers.
    Heureux ceux-là qu'attend la bonne chambre chaude !
    Mais le gamin qui court, mais le vieux chien qui rôde,
    Mais les gueux, les petits, le tas des indigents...

    Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

     

     

    par jean richepin

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  • - Ouvrez, les gens, ouvrez la porte,
    je frappe au seuil et à l’auvent,
    ouvrez, les gens, je suis le vent,
    qui s’habille de feuilles mortes.

    - Entrez, monsieur, entrez, le vent,
    voici pour vous la cheminée
    et sa niche badigeonnée ;
    entrez chez nous, monsieur le vent.

    - Ouvrez, les gens, je suis la pluie,
    je suis la veuve en robe grise
    dont la trame s’indéfinise,
    dans un brouillard couleur de suie.

    - Entrez, la veuve, entrez chez nous,
    entrez, la froide et la livide,
    les lézardes du mur humide
    s’ouvrent pour vous loger chez nous.

    - Levez, les gens, la barre en fer,
    ouvrez, les gens, je suis la neige,
    mon manteau blanc se désagrège
    sur les routes du vieil hiver.

    - Entrez, la neige, entrez, la dame,
    avec vos pétales de lys
    et semez-les par le taudis
    jusque dans l’âtre où vit la flamme.

    Car nous sommes les gens inquiétants
    qui habitent le Nord des régions désertes,
    qui vous aimons - dites, depuis quels temps ? -
    pour les peines que nous avons par vous souffertes.

    Emile Verhaeren

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  •  

    le givre : poème de maurice carême

    Mon Dieu ! comme ils sont beaux  

    Les tremblants animaux  

    Que le givre a fait naître  

    La nuit sur ma fenêtre  

    Ils broutent des fougères  

    Dans un bois plein d’étoiles,  

    Et l’on voit la lumière  

    A travers leurs corps pâles.      

    Il y a un chevreuil  

    Qui me connaît déjà ;  

    Il soulève pour moi  

    Son front d’entre les feuilles.      

    Et quand il me regarde,  

    Ses grands yeux si doux  

    Que je sens mon cœur battre  

    Et trembler mes genoux.      

    Laissez moi, ô décembre !  

    Ce chevreuil merveilleux.  

    Je resterai sans feu  

    Dans ma petite chambre.

     

     

    le givre : poème de maurice carême

     

     

     

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  •  

                                                

    Aminations oiseaux

     

     

    Pluie de plumes plumes de pluie


    Celle qui vous aimait n'est plus

    Que me voulez-vous oiseaux

    Plumes de pluie pluie de plumes

    Depuis que tu n'es plus je ne sais plus

    Je ne sais plus où j'en suis

    Pluie de plumes plumes de pluie

    Je ne sais plus que faire

    Suaire de pluie pluie de suie

    Est-ce possible que jamais plus

    Plumes de suie...


    Allez ouste dehors hirondelles

    Quittez vos nids...


    Hein?


    Quoi?


    Ce n'est pas la saison

    des voyages?...


    Je m'en moque sortez de cette chambre hirondelles du

    matin


    Hirondelles du soir partez...


    Où?


    Hein?


    Alors restez

    c'est moi qui m'en irai...

    Plumes de suie suie de plumes je m'en irai nulle part

    et puis un peu partout

    Restez ici oiseaux du désespoir

    Restez ici...


    Faites comme chez vous.

     

     

     

                                                

    gifs oiseaux

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